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Toulouse.
Auteur : Serge BOYER. Professeur agrégé d'histoire-géographie. Au lycée Ozenne dep 2002, j'ai eu des activités de formation à l'IUFM et participé à des manuels et rédigé des articles dans la revue "Espace Prépas". Enseigne en CPGE depuis 2009. Auteur principal du nouveau manuel "réussir sa prépa" sorti en 2017 chez Studyrama et réactualisé pour le nouveau programme (sortie juin 2021). Jurys : CAPES, ECRICOME, TBS, GEM. Chargé de cours à TSE sur l'histoire des faits économiques et de TD de géopolitique à l'Université Jean Jaurès. Mail : sergeboyer@netcourrier.com

dimanche 22 octobre 2017

Complément de cours : la Suède de 1914 à 1945



La Suède durant les guerres européennes (1914-1945)

 Le monde en 1927 (source : Atlashistorique.net)

Le 2 août 1914, la Suède mobilisa, puis publia, le lendemain, une déclaration de neutralité « dans le conflit en cours ». Les puissances s'engagèrent à respecter l'indépendance et l'intégrité du pays, aussi longtemps qu'il observerait cette neutralité. L'Allemagne, cependant, escomptait qu'elle lui fût bienveillante. Mais le Reich ne put obtenir que le ralliement de minorités « activistes », tandis que Hammarskjöld et le ministre des Affaires étrangères Wallenberg s'efforçaient de maintenir le commerce extérieur et de préserver le statu quo. Une sorte de fragile union sacrée s'établit entre le gouvernement et l'opposition de gauche constituée de libéraux et du Parti social-démocrate devenu, sous l'impulsion de Branting, le premier parti de la seconde Chambre aux élections de septembre 1914. Cette entente tacite s'exprimait notamment dans la volonté commune aux partis suédois de conduire une politique « scandinave », par une concertation Stockholm-Copenhague-Kristiania. Exportatrice traditionnelle de produits comme le minerai de fer, que la guerre rendait encore plus précieux, la Suède fut l'objet de pressions répétées. Certains de ses actes ne furent pas conformes à une stricte neutralité, comme la mise à disposition de l'Allemagne de ses légations pour des transmissions télégraphiques de Berlin vers le Nouveau Monde. Le gouvernement Hammarskjöld chercha avant tout à préserver les intérêts économiques du pays, quitte à mener une « politique de représailles » à l'égard de l'Angleterre qui brimait son commerce extérieur. Une partie de l'opinion était sensible aux appels venus de Finlande et aux mesures de remilitarisation entreprises par les Russes dans l'archipel d'Åland. Après l'adoption (avr. 1916) de la « loi sur le commerce en temps de guerre » (Krigshandelslagen), la Suède s'engagea dans une politique nouvelle de dirigisme économique. Sous la pression des sociaux-démocrates, le gouvernement adopta diverses mesures propres à enrayer la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population : ouverture de négociations commerciales avec Londres, maximum des prix, réduction des exportations de produits alimentaires.
Les difficultés d'approvisionnement et la pénurie s'aggravèrent considérablement après le printemps de 1917 et la guerre sous-marine à outrance. Dès le 5 mars 1917, le cabinet Hammarskjöld dut se retirer devant l'opposition du Riksdag. Le nouveau cabinet Swartz-Lindman fut accueilli avec scepticisme par la majorité de la seconde Chambre. Ce cabinet dut faire face à une vague de troubles sociaux d'allure révolutionnaire qui agita la Suède d'avril à juin 1917, malgré la conclusion d'un accord (shipping agreement) avec l'Angleterre le 8 mai. Les sociaux-démocrates et les syndicalistes de la L.O. contribuèrent puissamment à contrer ce mouvement qui mettait en danger leur leadership ouvrier. Après les élections de septembre 1917, où les conservateurs perdirent vingt-sept sièges, Gustave V dut se résigner à appeler le leader libéral Nils Edén, qui constitua un ministère de coalition avec le S.A.P. Branting entra alors au gouvernement pour y jouer un rôle d'appoint. Le 29 mai 1918, la Suède conclut un accord avec l'Angleterre. Elle était contrainte de céder une partie de son tonnage à l'Entente et de réduire ses exportations de fer vers l'Allemagne. Lui accordant des importations régulières de céréales, l'accord du 29 mai fut considéré à Stockholm comme une « assurance antifamine » face à une situation sociale inquiétante. Après la paix séparée germano-russe et l'indépendance de la Finlande, les débuts de la guerre civile finlandaise posaient à nouveau la question d'une intervention suédoise. Il n'en fut plus question après le débarquement allemand à Åland (5 mars 1918) et la conclusion de trois traités inégaux entre Berlin et le gouvernement contre-révolutionnaire finlandais, installé à Vaasa (7 mars). La Suède se préoccupa surtout, dès lors, de limiter l'influence du bolchevisme et de faire prévaloir les droits des neutres lors de la future conférence de la paix.
Christian X de Danemark, Haakon VII de Norvège, Gustave V de Suède et le président finlandaissont au palais royal de Stockholm pour étudier les relations de la Finlande avec la Russie soviétique, vers 1920.
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Crédits: Hulton Getty
Les lendemains de la guerre furent immédiatement occupés par la révision constitutionnelle. Le processus complexe des élections à la première Chambre fut démocratisé dans la mesure où il ne fut plus nécessaire d'être imposé pour être éligible. En 1919-1921, le droit de vote fut accordé aux hommes et aux femmes âgés de vingt et un ans révolus. Libéraux et sociaux-démocrates, déjà majoritaires à la seconde Chambre, le devinrent bientôt à la première. La seconde préoccupation, dans l'immédiat après-guerre, était de politique sociale, à un moment où l'Allemagne basculait dans la révolution : en 1919 fut adoptée la journée de travail de huit heures. Le Parti social-démocrate adopta, lors de son congrès de 1920, un nouveau programme préconisant diverses mesures de socialisation de l'économie. Sous l'impulsion du ministre des Finances social-démocrate F. Thorsson fut présentée au Riksdag une réforme radicale des impôts locaux. Le ministère Edén dut se retirer (mars 1920), et un ministère social-démocrate fut constitué pour la première fois, dont Branting fut le chef.
Ce gouvernement eut à subir les effets de la crise internationale qui, en 1920, toucha la Suède. Les élections défavorables de l'automne de 1920 entraînèrent son retrait. Lui succédèrent deux brefs ministères de fonctionnaires. Toutefois, l'adoption de la réforme électorale impliquait la dissolution du Riksdag (juill. 1921) et de nouvelles élections, favorables cette fois aux sociaux-démocrates. Branting put constituer son deuxième ministère (1921-1923). La Suède, qui avait adhéré à la S.D.N, dut se soumettre à son jugement, qui accorda à la Finlande la souveraineté sur les îles Åland (1921). Cette déception fut cependant atténuée par la convention internationale d'octobre 1921, établissant la neutralisation et la démilitarisation de l'archipel.
À partir de 1923, la conjoncture se retourna, le chômage diminua quelque peu et la croissance reprit. La Suède put rétablir la parité or de la couronne dès 1924. Le débat portant alors surtout sur le désarmement, on aboutit à un compromis laborieux : la loi militaire de 1925. Celle-ci imposait de sensibles réductions au budget de l'armée, ce qui semblait assez conforme à l'esprit de Genève où Hjalmar Branting, désormais à la tête de son troisième ministère (1924-1925), se posait en « grand Européen », ami de la paix. La croissance de l'industrie se poursuivit rapidement jusqu'en 1931 grâce au développement de l'énergie hydroélectrique, à la multiplication des moyens de transport et à la motorisation. Les gains de productivité n'étaient cependant pas très favorables à l'emploi ouvrier, ce qui créa de fortes déceptions à gauche. Les gouvernements minoritaires pratiquaient un « parlementarisme à bascule » fort peu social, à l'instar des cabinets libéraux dirigés par Carl Ekman (1926-1928, puis 1930-1932). La crise mondiale, déjà annoncée par les difficultés de l'agriculture en 1929, frappa de plein fouet dès 1930 une économie très dépendante de son commerce extérieur. C'est ainsi que les exportations de minerai de fer, qui atteignaient environ 11 millions de tonnes en 1929, tombèrent à 2 millions en 1932. Le chômage, déjà élevé, explosa en quelques mois. D'importants mouvements sociaux se déclenchèrent, comme dans la vallée d'Ådalen où l'armée tira sur les grévistes, tandis que de nombreuses faillites secouaient l'industrie ; celle d'Ivar Kreuger déclencha un scandale politique qui fit chuter les libéraux.
À la suite des élections de 1932, les sociaux-démocrates reprirent le pouvoir. Per Albin Hansson forma son premier gouvernement (1932-1936) composé de ministres de la jeune génération du S.A.P. Partiellement inspiré par les idées développées plus tard par Keynes, le gouvernement entreprit de lutter contre le chômage par une politique volontaire de grands travaux et de soutien à l'agriculture. Son orientation sociale, imposée par les circonstances, visait à faire de la Suède une « maisonnée » (Folkhemmet). La loi sur les pensions en 1935 en fut l'un des fleurons. Le retour à des pratiques protectionnistes avait permis un rapprochement entre les sociaux-démocrates et le Parti paysan (Bondeförbundet) dès mai 1933. Les deux partis purent former en septembre 1936 un gouvernement de coalition qui dura jusqu'à la fin de 1939. La situation économique s'était redressée à partir de 1933, stimulée par la reprise des exportations, en particulier vers l'Allemagne. La montée de la crise européenne et le rapprochement des partis permirent dès 1936 un accord sur la défense qui accroissait le temps du service et prévoyait un développement de l'aviation. L'adhésion à la neutralité était bien plus grande qu'en 1914, et la Suède rejeta en mai 1939 l'offre que lui faisait l'Allemagne de conclure avec elle un pacte de non-agression.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Suède réussit à préserver sa neutralité malgré la guerre menée par l'Union soviétique contre la Finlande (nov. 1939-mars 1940) puis l'agression allemande contre le Danemark et la Norvège (9 avr. 1940). Mal préparée, elle ne pouvait rien faire pendant la guerre d'Hiver de 1939-1940 pour la Finlande, malgré de puissants courants d'opinion en faveur d'une intervention. Elle mena ensuite une « politique de conjoncture », plutôt contrainte vis-à-vis de l'Allemagne jusqu'en 1943, et plus favorable aux Alliés par la suite. Un gouvernement de coalition nationale, toujours conduit par Per Albin Hansson, réunit tous les partis du Riksdag, à l'exception des communistes et des partis d'extrême droite. Coupée de l'extérieur après l'occupation de la Norvège et du Danemark, la Suède dut introduire le rationnement et négocier ses approvisionnements avec les belligérants. Une partie du tonnage suédois fut mis à la disposition des Alliés, mais les exportations de fer vers l'Allemagne – nécessaires à la Suède en raison des contreparties en charbon – furent maintenues à leur niveau de 1938 (environ 9 millions de tonnes) jusqu'en 1943. Les pressions croissantes des Alliés, en particulier pour l'arrêt de l'exportation des roulements à billes, amenèrent en 1944 un ralentissement considérable du commerce avec l'Allemagne. Aux élections de l'automne de 1944, le Parti communiste, en Suède comme ailleurs, réalisa d'excellents scores, triplant son électorat et obtenant quinze mandats. Le blocage de la politique sociale durant le conflit et les ambiguïtés de la diplomatie officielle attiraient vers lui les déçus. Néanmoins, à la fin de la guerre, la Suède, qui avait accueilli des dizaines de milliers de réfugiés, apparaissait comme un havre de paix.
                            L'Europe en 1939 (Source :Atlashistorique.net)

Source : encyclopédie Universalis

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