TR62 - «Notre maison brûle et nous
regardons ailleurs». Discours prononcé par Jacques Chirac le 2 septembre 2002
lors du sommet mondial du développement durable à Johannesburg en Afrique du
sud.
J.Chirac est un homme politique français de droite ; Premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing de 1974 à 1976, il échoue aux élections présidentielles de 1981, 1988 et est finalement élu Président de la République française en 1995 pour 7 ans jusqu'en 2008, puis s'appliquant la réforme du mandat présidentiel, il est réélu en 2002 pour 5 ans. Décédé en 2019, il fait parti des hommes politiques préférés des Français qui semblent avoir oublié les manifestations géantes de 1995.
Ce discours a été rédigé par Nicolas Hulot.
J.Chirac est un homme politique français de droite ; Premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing de 1974 à 1976, il échoue aux élections présidentielles de 1981, 1988 et est finalement élu Président de la République française en 1995 pour 7 ans jusqu'en 2008, puis s'appliquant la réforme du mandat présidentiel, il est réélu en 2002 pour 5 ans. Décédé en 2019, il fait parti des hommes politiques préférés des Français qui semblent avoir oublié les manifestations géantes de 1995.
Ce discours a été rédigé par Nicolas Hulot.
«Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée,
surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de
l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord
comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril
et nous en sommes tous responsables.
Il est temps, je crois, d'ouvrir les yeux. Sur tous les continents, les
signaux d'alerte s'allument. L'Europe est frappée par des catastrophes
naturelles et des crises sanitaires. L'économie américaine, souvent boulimique
en ressources naturelles, paraît atteinte d'une crise de confiance dans ses
modes de régulation. L'Amérique Latine est à nouveau secouée par la crise
financière et donc sociale. En Asie, la multiplication des pollutions, dont
témoigne le nuage brun, s'étend et menace d'empoisonnement un continent tout
entier. L'Afrique est accablée par les conflits, le SIDA, la désertification,
la famine. Certains pays insulaires sont menacés de disparition par le
réchauffement climatique.
Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas! Prenons garde que le
XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d'un crime de
l'humanité contre la vie.
Notre responsabilité collective est engagée. Responsabilité première des
pays développés. Première par l'histoire, première par la puissance, première
par le niveau de leurs consommations. Si l'humanité entière se comportait comme
les pays du Nord, il faudrait deux planètes supplémentaires pour faire face à
nos besoins. Responsabilité des pays en développement aussi. Nier les
contraintes à long terme au nom de l'urgence n'a pas de sens. Ces pays doivent
admettre qu'il n'est d'autre solution pour eux que d'inventer un mode de
croissance moins polluant.
Dix ans après Rio, nous n'avons pas de quoi être fiers. La mise en oeuvre
de l'Agenda 21 est laborieuse. La conscience de notre défaillance doit nous
conduire, ici, à Johannesburg, à conclure l'alliance mondiale pour le
développement durable.
Une alliance par laquelle les pays développés engageront la révolution
écologique, la révolution de leurs modes de production et de consommation. Une
alliance par laquelle ils consentiront l'effort de solidarité nécessaire en
direction des pays pauvres. Une alliance à laquelle la France et l'Union européenne
sont prêtes.
Une alliance par laquelle le monde en développement s'engagera sur la voie
de la bonne gouvernance et du développement propre.
Nous avons devant nous, je crois, cinq chantiers
prioritaires.
Le changement climatique d'abord. Il est engagé du fait de
l'activité humaine. Il nous menace d'une tragédie planétaire. Il n'est plus
temps de jouer chacun pour soi. De Johannesburg, doit s'élever un appel
solennel vers tous les pays du monde, et d'abord vers les grands pays
industrialisés, pour qu'ils ratifient et appliquent le Protocole de Kyoto. Le
réchauffement climatique est encore réversible. Lourde serait la responsabilité
de ceux qui refuseraient de le combattre.
Deuxième chantier: l'éradication de la pauvreté.
A l'heure de la mondialisation, la persistance de la pauvreté de masse est un
scandale et une aberration. Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey.
Augmentons l'aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum
les 0,7 % du PIB. Trouvons de nouvelles sources de financement. Par exemple par
un nécessaire prélèvement de solidarité sur les richesses considérables
engendrées par la mondialisation.
Troisième chantier: la diversité. La
diversité biologique et la diversité culturelle, toutes deux patrimoine commun
de l'humanité, toutes deux sont menacées. La réponse, c'est l'affirmation du
droit à la diversité et l'adoption d'engagements juridiques sur l'éthique.
Quatrième chantier: les modes de production et de
consommation. Avec les entreprises, il faut mettre au point des systèmes
économes en ressources naturelles, économes en déchets, économes en pollutions.
L'invention du développement durable est un progrès fondamental au service
duquel nous devons mettre les avancées des sciences et des technologies, dans
le respect du principe de précaution. La France proposera à ses partenaires du
G8 l'adoption, lors du Sommet d'Evian en juin prochain, d'une initiative pour
stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement
durable.
Cinquième chantier: la gouvernance mondiale, pour humaniser et pour
maîtriser la mondialisation. Il est temps de reconnaître qu'existent des biens
publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. Il est temps d'affirmer
et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l'humanité, qui dépasse à
l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la compose.
Pour assurer la cohérence de l'action internationale, nous avons besoin, je
l'ai dit à Monterrey, d'un Conseil de sécurité économique et social.
Pour mieux gérer l'environnement, pour faire respecter les principes de
Rio, nous avons besoin d'une Organisation mondiale de l'environnement.
Pour vérifier l'application de l'Agenda 21 et du Plan d'action de
Johannesburg, la France propose que la Commission du développement durable soit
investie d'une fonction d'évaluation par les pairs, comme cela existe par
exemple à l'OCDE. Et la France est prête à se soumettre la première à cette
évaluation.
Monsieur le Président, au regard de l'histoire de la vie sur terre, celle
de l'humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de
l'homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. L'Homme, pointe
avancée de l'évolution, peut-il devenir l'ennemi de la Vie? Et c'est le risque
qu'aujourd'hui nous courons par égoïsme ou par aveuglement.
Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions d'années. Fragile et
désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités, essaimer sur la
planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l'humanité, dans
la diversité de ses cultures et de ses civilisations, dont chacune a droit
d'être respectée, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau,
un lien de respect et d'harmonie, et donc d'apprendre à maîtriser la puissance
et les appétits de l'homme.
Et aujourd'hui, à Johannesburg, l'humanité a rendez-vous avec son destin.
Et quel plus beau lieu que l'Afrique du Sud, cher Thabo MBEKI, cher Nelson
MANDELA, pays emblématique par son combat victorieux contre l'apartheid, pour
franchir cette nouvelle étape de l'aventure humaine!
Je vous remercie. Jacques Chirac
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