F.M.N. / firme
globale
Au
départ les firmes sont domestiques, ce qui signifie que leur activité
principale est liée à leur marché d’origine. Fin XIXème, avec
l’internationalisation, elles deviennent multidomestiques, c’est à dire liées à
plusieurs marchés de consommation. Elles continuent toutefois à produire dans
leur pays d’origine. Une firme multinationale possède une unité de production,
au moins, à l’étranger. C’est en réalisant des investissements directs à
l’étranger (I.D.E.) qu’une firme se « multinationalise ». La logique de
production est la seule qui compte. Une entreprise qui vend exclusivement à l’étranger
en ne produisant que sur son territoire national n’est pas une firme
multinationale La dernière mondialisation a généralisé la sous-traitance
(firmes-réseaux) et fait éclore des firmes intégrées : la chaîne de valeur des
activités est dispersée sur plusieurs pays, mais intégrée par la logique
productrice et capitaliste de la Maison-mère (firme globale).
IDE
Qu’est-ce qu’un IDE ?
Il y a investissement direct à l’étranger
(IDE) lorsqu’un investisseur basé dans un pays (le pays d’origine) acquiert un
actif dans un autre pays (le pays d’accueil) avec l’intention de le gérer.
C’est cette fonction de gestion qui distingue l’IDE de l’investissement de
portefeuille en actions, obligations ou autres instruments financiers
étrangers. Le plus souvent, aussi bien l’investisseur que l’actif qu’il gère à
l’étranger sont des entreprises commerciales. L’investisseur est dénommé
« société mère » et l’actif « filiale » ou
« succursale ».
Il y a trois grandes catégories d’IDE :
- La participation au capital qui
correspond à la valeur des parts sociales acquises par une entreprise
multinationale dans une entreprise d’un pays étranger. La détention d’au moins
10 % des actions ordinaires ou avec droit de vote dans une société ou une
participation équivalente dans une entreprise non constituée en société par
actions est généralement considéré comme un minimum pour pouvoir exercer un
contrôle. Cette catégorie d’IDE comprend les fusions-acquisitions et les
investissements entièrement nouveaux par la création de nouvelles
installations. Les fusions-acquisitions constituent une forme privilégiée d’IDE
pour les pays développés, bien que leur importance relative varie
considérablement d’un pays à l’autre.
- Les bénéfices réinvestis, qui
correspondent à la part des bénéfices d’une filiale d’entreprise multinationale
qui n’est pas distribuée sous forme de dividendes ou qui n’est pas restituée à la société mère.
Les bénéfices ainsi retenus par la filiale sont considérés comme réinvestis
dans cette filiale. Cette forme d’IDE peut représenter jusqu’à 60 % des flux
sortants d’IDE dans des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.
- Les autres flux de capitaux qui
correspondent aux emprunts ou aux prêts à court terme réalisés entre la société
mère et sa filiale.
Source : d’après un rapport de l’OMC en 1996,
cité dans Régis Bénichi, Histoire de la mondialisation, Vuibert
PARADIS FICAUX
Paradis
fiscaux : zone où le taux d’imposition sur
les sociétés est faible ou inexistant. Le secret bancaire est protégé par la
loi et rend souvent possibles le blanchiment de l’argent et la fraude.
« 70 à 80 centres financiers offshore représentent un peu plus de la
moitié des l’activités internationale des banques et détiennent un tiers du
stock des investissements directs à l’étranger des firmes
multinationales » (A. Benassy-Quéré, C. Chavagneux, E. Laurent, D. Plihon,
M. Rainelli, J.-P. Warnier). Délimitation rendue difficile en raison de la tendance de tous les Etats à vouloir baisser leur fiscalité des entreprises.
ECONOMIE-MONDE selon Daniel COHEN
La nouvelle économie-monde d’après l’économiste Daniel Cohen
La célèbre poupée Barbie donne une excellente
illustration de la nature du commerce mondial aujourd’hui. La matière première
– le plastique et les cheveux – vient de Taiwan et du Japon. L’assemblage est
fait aux Philippines avant de se déplacer vers des zones de salaires moindres,
l’Indonésie ou la Chine. Les moules proviennent des Etats-Unis tout comme la
dernière touche de peinture avant la vente… Ce n’est pas une spécialisation
sectorielle (textile aux uns, automobile aux autres) à laquelle on assiste. La
spécialisation porte sur la tâche effectuée par chacun pour fabriquer un
produit donné. Cette « désintégration verticale de la production »
n’est rien d’autre que le miroir mondial du démembrement de la production fordiste
[…].
Pour saisir la portée de la rupture qui émerge dans
les années 1990, il est donc beaucoup plus utile d’analyser comment la chaîne
de valeur d’un bien tend à se déformer, que de considérer la rivalité entre
secteurs. La paire de Nike est un autre exemple frappant du processus à
l’œuvre.
Considérons ainsi une paire de Nike : le modèle
Air Pegasus, qui coûte 70 $ aux Etats-Unis. La structure du coût qui y conduit
se présente ainsi. Le salaire tout d’abord du travailleur, plus probablement de
la travailleuse, qui la fabrique est de 2,75 $. Le scandale de l’échange inégal
se manifeste ici. Comment gagne-t-on si peu à fabriquer un bien qui coûte si
cher ? La suite des coûts engagés donne la réponse. Le coût de fabrication
de la basket, tout d’abord, ne se résume pas au travail. Il faut également du
cuir, du textile, des machines pour l’assembler, à quoi s’ajoutent aussi les
coûts de transport et de douane. En ajoutant tous ces éléments, on arrive à un
total qui s’élève à 16 $. Tel est le coût payé par Nike pour prendre possession
de la basket à Los Angeles.
A ce coût matériel, s’ajoute ensuite l’ensemble des
dépenses que Nike va devoir entreprendre pour transformer cet objet physique en
objet social, c’est-à-dire en une basket que les gens auront envie d’acheter.
Ici se joue le cœur de l’activité de Nike : faire connaître et désirer la
basket, en engageant les dépenses de publicité de promotions qui vont la
montrer aux pieds des grands athlètes, lesquels donneront aux téléspectateurs
du monde entier l’envie de la porter aussi. L’ensemble de ces dépenses
représente un coût qui est équivalent à celui déjà engagé pour fabriquer
l’objet physique lui-même. Le coût de la chaussure est doublé, et représente –
pour arrondir les chiffres – 35 $ toutes dépenses de fabrication et de
promotion confondues.
A ce stade, la moitié du coût total de la chaussure
est expliqué : il faut dépenser autant pour la fabriquer comme objet
physique qu’il n’en faut pour la faire désirer comme objet social. Comment
passe-t-on ensuite de 35 $ aux 70 $ qui
sont facturés au consommateur ? C’est simple : il reste à payer
toutes les dépenses nécessaires pour la mettre physiquement au pied du
consommateur, c’est-à-dire toutes les dépenses de distribution.
Cette structure de coût fait émerger un schéma qui
dessine parfaitement les contours de la société post-industrielle […]. La
conception en amont et la prescription en aval deviennent le cœur de l’activité
des pays riches. L’étape du milieu, celle de la fabrication, devient
inessentielle est peut être externalisée. Dans la nouvelle division
internationale du travail, les riches tendent à vendre des biens immatériels et
à acheter des biens matériels. La prescription des biens, le face à face, est
par hypothèse soustraite aux échanges mondiaux.
Dans le langage des nouvelles théories du commerce
mondial, les pays riches s’accaparent le segment de la production où les
rendements d’échelle sont les plus forts. Dans le cas de Nike, il suffit que le
soir d’une finale de la coupe du monde l’équipe vedette porte ladite paire de
basket pour que la terre entière ait envie de la porter aussi. Une dépense
donnée, le sponsoring de 11 joueurs, produit instantanément des rendements
planétaires. De même, si l’on ose dire, découvrir un nouveau vaccin représente
un coût fixe (les dépenses de recherche et de développement) qui peut profiter
ensuite, sans guère plus de dépenses, à la planète entière. Plus la masse des
bénéficiaires sera importante, plus l’amortissement des dépenses de recherche
sera facile, plus il sera rentable d’en engager d’autres. La différence avec
l’ère industrielle se joue ici. A l’époque industrielle, le gros de la dépense
était moins de convaincre les consommateurs d’acheter une automobile que de la
fabriquer au plus bas coût possible.
L’un des enjeux majeurs pour les pays du Sud est de
pouvoir participer à leur tour à la production immatérielle, de devenir à leur
tour des producteurs de concepts, de design… Rien ne leur garantit une telle
évolution. Le Mexique a gagné ses galons de sous-traitant des Etats-Unis, mais
sans parvenir à devenir un centre rival des Etats-Unis. Alors que le gros des
emplois était autrefois à Mexico City, ils ont progressivement migré le long de
la frontière, dans les usines de montage, les maquiladoras, où ils subissent la loi des donneurs d’ordres
nord-américains. Le Mexique connaît le mauvais versant de la mondialisation,
celui d’une périphérie en concurrence avec d’autres périphéries, sous la menace
permanente d’un changement de stratégies des donneurs d’ordres.
La Chine, à l’inverse, crée sur sa façade pacifique
des métropoles nouvelles qui visent à la
doter de tous les attributs de la puissance. Le modèle chinois n’est rien
d’autre que celui du Japon, qui a prouvé qu’on pouvait profiter de la mondialisation,
à condition de constituer soi-même une « accumulation primitive » des
facteurs de croissance. A l’image du Japon hier, le taux d’épargne chinois est
aujourd’hui considérable, de près de 50 % ! La scolarisation des enfants
est également remarquable. Moins de 20 % de la population chinoise est
analphabète. La leçon du XIXe siècle a été entendue. La division
internationale du travail ne fait pas la prospérité. Elle n’aide que ceux qui
s’aident préalablement eux-mêmes. Pour les pays mal dotés, dont les
infrastructures sont rares, la population mal éduquée et soumise à des
problèmes de santé publique, les multinationales ne sont pas d’une grande
utilité : elles vont tout simplement ailleurs.
Source : Daniel Cohen, Trois leçons sur la société post-industrielle, Seuil, « La République
des Idées », 2006, p. 51-55.
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