Qui êtes-vous ?

Toulouse.
Auteur : Serge BOYER. Professeur agrégé d'histoire-géographie. Au lycée Ozenne dep 2002, j'ai eu des activités de formation à l'IUFM et participé à des manuels et rédigé des articles dans la revue "Espace Prépas". Enseigne en CPGE depuis 2009. Auteur principal du nouveau manuel "réussir sa prépa" sorti en 2017 chez Studyrama et réactualisé pour le nouveau programme (sortie juin 2021). Jurys : CAPES, ECRICOME, TBS, GEM. Chargé de cours à TSE sur l'histoire des faits économiques et de TD de géopolitique à l'Université Jean Jaurès. Mail : sergeboyer@netcourrier.com

CG24 firmes

Mots clés : 

F.M.N. / firme globale
Au départ les firmes sont domestiques, ce qui signifie que leur activité principale est liée à leur marché d’origine. Fin XIXème, avec l’internationalisation, elles deviennent multidomestiques, c’est à dire liées à plusieurs marchés de consommation. Elles continuent toutefois à produire dans leur pays d’origine. Une firme multinationale possède une unité de production, au moins, à l’étranger. C’est en réalisant des investissements directs à l’étranger (I.D.E.) qu’une firme se « multinationalise ». La logique de production est la seule qui compte. Une entreprise qui vend exclusivement à l’étranger en ne produisant que sur son territoire national n’est pas une firme multinationale La dernière mondialisation a généralisé la sous-traitance (firmes-réseaux) et fait éclore des firmes intégrées : la chaîne de valeur des activités est dispersée sur plusieurs pays, mais intégrée par la logique productrice et capitaliste de la Maison-mère (firme globale).
IDE

Qu’est-ce qu’un IDE ?
Il y a investissement direct à l’étranger (IDE) lorsqu’un investisseur basé dans un pays (le pays d’origine) acquiert un actif dans un autre pays (le pays d’accueil) avec l’intention de le gérer. C’est cette fonction de gestion qui distingue l’IDE de l’investissement de portefeuille en actions, obligations ou autres instruments financiers étrangers. Le plus souvent, aussi bien l’investisseur que l’actif qu’il gère à l’étranger sont des entreprises commerciales. L’investisseur est dénommé « société mère » et l’actif « filiale » ou « succursale ».
Il y a trois grandes catégories d’IDE :
- La participation au capital qui correspond à la valeur des parts sociales acquises par une entreprise multinationale dans une entreprise d’un pays étranger. La détention d’au moins 10 % des actions ordinaires ou avec droit de vote dans une société ou une participation équivalente dans une entreprise non constituée en société par actions est généralement considéré comme un minimum pour pouvoir exercer un contrôle. Cette catégorie d’IDE comprend les fusions-acquisitions et les investissements entièrement nouveaux par la création de nouvelles installations. Les fusions-acquisitions constituent une forme privilégiée d’IDE pour les pays développés, bien que leur importance relative varie considérablement d’un pays à l’autre.
- Les bénéfices réinvestis, qui correspondent à la part des bénéfices d’une filiale d’entreprise multinationale qui n’est pas distribuée sous forme de dividendes ou  qui n’est pas restituée à la société mère. Les bénéfices ainsi retenus par la filiale sont considérés comme réinvestis dans cette filiale. Cette forme d’IDE peut représenter jusqu’à 60 % des flux sortants d’IDE dans des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.
- Les autres flux de capitaux qui correspondent aux emprunts ou aux prêts à court terme réalisés entre la société mère et sa filiale.
Source : d’après un rapport de l’OMC en 1996, cité dans Régis Bénichi, Histoire de la mondialisation, Vuibert

PARADIS FICAUX
Paradis fiscaux : zone où le taux d’imposition sur les sociétés est faible ou inexistant. Le secret bancaire est protégé par la loi et rend souvent possibles le blanchiment de l’argent et la fraude. « 70 à 80 centres financiers offshore représentent un peu plus de la moitié des l’activités internationale des banques et détiennent un tiers du stock des investissements directs à l’étranger des firmes multinationales » (A. Benassy-Quéré, C. Chavagneux, E. Laurent, D. Plihon, M. Rainelli, J.-P. Warnier). Délimitation rendue difficile en raison de la tendance de tous les Etats à vouloir baisser leur fiscalité des entreprises.

ECONOMIE-MONDE selon Daniel COHEN

La nouvelle économie-monde d’après l’économiste Daniel Cohen
La célèbre poupée Barbie donne une excellente illustration de la nature du commerce mondial aujourd’hui. La matière première – le plastique et les cheveux – vient de Taiwan et du Japon. L’assemblage est fait aux Philippines avant de se déplacer vers des zones de salaires moindres, l’Indonésie ou la Chine. Les moules proviennent des Etats-Unis tout comme la dernière touche de peinture avant la vente… Ce n’est pas une spécialisation sectorielle (textile aux uns, automobile aux autres) à laquelle on assiste. La spécialisation porte sur la tâche effectuée par chacun pour fabriquer un produit donné. Cette « désintégration verticale de la production » n’est rien d’autre que le miroir mondial du démembrement de la production fordiste […].
Pour saisir la portée de la rupture qui émerge dans les années 1990, il est donc beaucoup plus utile d’analyser comment la chaîne de valeur d’un bien tend à se déformer, que de considérer la rivalité entre secteurs. La paire de Nike est un autre exemple frappant du processus à l’œuvre.
Considérons ainsi une paire de Nike : le modèle Air Pegasus, qui coûte 70 $ aux Etats-Unis. La structure du coût qui y conduit se présente ainsi. Le salaire tout d’abord du travailleur, plus probablement de la travailleuse, qui la fabrique est de 2,75 $. Le scandale de l’échange inégal se manifeste ici. Comment gagne-t-on si peu à fabriquer un bien qui coûte si cher ? La suite des coûts engagés donne la réponse. Le coût de fabrication de la basket, tout d’abord, ne se résume pas au travail. Il faut également du cuir, du textile, des machines pour l’assembler, à quoi s’ajoutent aussi les coûts de transport et de douane. En ajoutant tous ces éléments, on arrive à un total qui s’élève à 16 $. Tel est le coût payé par Nike pour prendre possession de la basket à Los Angeles.
A ce coût matériel, s’ajoute ensuite l’ensemble des dépenses que Nike va devoir entreprendre pour transformer cet objet physique en objet social, c’est-à-dire en une basket que les gens auront envie d’acheter. Ici se joue le cœur de l’activité de Nike : faire connaître et désirer la basket, en engageant les dépenses de publicité de promotions qui vont la montrer aux pieds des grands athlètes, lesquels donneront aux téléspectateurs du monde entier l’envie de la porter aussi. L’ensemble de ces dépenses représente un coût qui est équivalent à celui déjà engagé pour fabriquer l’objet physique lui-même. Le coût de la chaussure est doublé, et représente – pour arrondir les chiffres – 35 $ toutes dépenses de fabrication et de promotion confondues.
A ce stade, la moitié du coût total de la chaussure est expliqué : il faut dépenser autant pour la fabriquer comme objet physique qu’il n’en faut pour la faire désirer comme objet social. Comment passe-t-on ensuite de 35 $ aux 70  $ qui sont facturés au consommateur ? C’est simple : il reste à payer toutes les dépenses nécessaires pour la mettre physiquement au pied du consommateur, c’est-à-dire toutes les dépenses de distribution.
Cette structure de coût fait émerger un schéma qui dessine parfaitement les contours de la société post-industrielle […]. La conception en amont et la prescription en aval deviennent le cœur de l’activité des pays riches. L’étape du milieu, celle de la fabrication, devient inessentielle est peut être externalisée. Dans la nouvelle division internationale du travail, les riches tendent à vendre des biens immatériels et à acheter des biens matériels. La prescription des biens, le face à face, est par hypothèse soustraite aux échanges mondiaux.
Dans le langage des nouvelles théories du commerce mondial, les pays riches s’accaparent le segment de la production où les rendements d’échelle sont les plus forts. Dans le cas de Nike, il suffit que le soir d’une finale de la coupe du monde l’équipe vedette porte ladite paire de basket pour que la terre entière ait envie de la porter aussi. Une dépense donnée, le sponsoring de 11 joueurs, produit instantanément des rendements planétaires. De même, si l’on ose dire, découvrir un nouveau vaccin représente un coût fixe (les dépenses de recherche et de développement) qui peut profiter ensuite, sans guère plus de dépenses, à la planète entière. Plus la masse des bénéficiaires sera importante, plus l’amortissement des dépenses de recherche sera facile, plus il sera rentable d’en engager d’autres. La différence avec l’ère industrielle se joue ici. A l’époque industrielle, le gros de la dépense était moins de convaincre les consommateurs d’acheter une automobile que de la fabriquer au plus bas coût possible.
L’un des enjeux majeurs pour les pays du Sud est de pouvoir participer à leur tour à la production immatérielle, de devenir à leur tour des producteurs de concepts, de design… Rien ne leur garantit une telle évolution. Le Mexique a gagné ses galons de sous-traitant des Etats-Unis, mais sans parvenir à devenir un centre rival des Etats-Unis. Alors que le gros des emplois était autrefois à Mexico City, ils ont progressivement migré le long de la frontière, dans les usines de montage, les maquiladoras, où ils subissent la loi des donneurs d’ordres nord-américains. Le Mexique connaît le mauvais versant de la mondialisation, celui d’une périphérie en concurrence avec d’autres périphéries, sous la menace permanente d’un changement de stratégies des donneurs d’ordres.
La Chine, à l’inverse, crée sur sa façade pacifique des métropoles nouvelles qui visent à  la doter de tous les attributs de la puissance. Le modèle chinois n’est rien d’autre que celui du Japon, qui a prouvé qu’on pouvait profiter de la mondialisation, à condition de constituer soi-même une « accumulation primitive » des facteurs de croissance. A l’image du Japon hier, le taux d’épargne chinois est aujourd’hui considérable, de près de 50 % ! La scolarisation des enfants est également remarquable. Moins de 20 % de la population chinoise est analphabète. La leçon du XIXe siècle a été entendue. La division internationale du travail ne fait pas la prospérité. Elle n’aide que ceux qui s’aident préalablement eux-mêmes. Pour les pays mal dotés, dont les infrastructures sont rares, la population mal éduquée et soumise à des problèmes de santé publique, les multinationales ne sont pas d’une grande utilité : elles vont tout simplement ailleurs.
Source : Daniel Cohen, Trois leçons sur la société post-industrielle, Seuil, « La République des Idées », 2006, p. 51-55.


La révolution modulaire pour Benetton



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