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Toulouse.
Auteur : Serge BOYER. Professeur agrégé d'histoire-géographie. Au lycée Ozenne dep 2002, j'ai eu des activités de formation à l'IUFM et participé à des manuels et rédigé des articles dans la revue "Espace Prépas". Enseigne en CPGE depuis 2009. Auteur principal du nouveau manuel "réussir sa prépa" sorti en 2017 chez Studyrama et réactualisé pour le nouveau programme (sortie juin 2021). Jurys : CAPES, ECRICOME, TBS, GEM. Chargé de cours à TSE sur l'histoire des faits économiques et de TD de géopolitique à l'Université Jean Jaurès. Mail : sergeboyer@netcourrier.com

vendredi 12 octobre 2018

La PGM et la poursuite de la diplomatie secrète : l'exemple de deux accords : 1 accord Italie-alliés (avril 1915) et 2 accords Sykes-Picot sur le Proche-Orient (mai 1916) - Source : Herodote.net

26 avril 1915

Traité secret de Londres entre l'Italie et les Alliés

Le 26 avril 1915, l'Italie signe un traité secret avec l'Angleterre et la France. Contre la promesse de gains territoriaux, elle leur propose d'entrer en guerre à leurs côtés contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie.

Neutralité contestée

L'Italie s'était liée en 1892 à l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie par un accord appelé Triple-Alliance ou Triplice, par lequel les trois signataires s'engageaient à se porter assistance en cas d'attaque par un tiers. Lorsque la Grande Guerre éclate, en août 1914, le nouveau président du Conseil, le libéral Antonio Salandra, renonce sagement à se joindre aux Puissances centrales en raison du désir de paix de la grande majorité des Italiens.
Mais tandis que le conflit s'éternise dans le reste de l'Europe, l'effervescence monte dans la bourgeoisie italienne et notamment chez les intellectuels.
Un certain Benito Mussolini, chef des socialistes révolutionnaires et rédacteur en chef du journal Avanti !, se convertit à l'interventionnisme, ce qui lui vaut d'être expulsé de son parti. Il fonde Il Popolo d'Italia où il fait campagne en faveur d'une entrée en guerre aux côtés des Alliés. Comme le poète nationaliste Gabriele d'Annunzio, il exalte les antiques vertus guerrières des Italiens. Il plaide pour la conquête des terres « irredente », peuplées par des Italiens mais sous souveraineté austro-hongroise. Il voit aussi dans la guerre un moyen pour le peuple d'oublier son mal-être quotidien.
Comme la plupart des Italiens, le leader Giovanni Giolitti (63 ans) préfèrerait que le pays se contente de marchander sa neutralité au nom de l'« égoïsme sacré ;». C'est ce que tente le président du Conseil Salandra en ouvrant à Londres des discussions secrètes avec les Alliés.

Du marchandage à la guerre

Mais les Alliés (France, Grande-Bretagne et Russie) ne se satisfont pas d'une simple neutralité de l'Italie de sorte que le marchandage débouche sur la promesse en bonne et due forme d'une entrée en guerre de l'Italie à leurs côtés en échange de l'obtention après la guerre d'une bonne partie de la côte adriatique ainsi que de territoires turcs et de colonies.
En entérinant le droit de conquête, ce traité secret enfreint l'esprit démocratique au nom duquel se battent les Français et les Anglais. Révélé par les bocheviques russes après la Révolution d'Octobre, il va soulever l'indignation de l'opinion publique américaine.
En attendant, à Rome, le 3 mai 1915, Antonio Salandra, rallié au principe de l'intervention, dénonce la Triplice en vue de préparer l'entrée en guerre de l'Italie. Le Parlement, qui n'a pas été consulté, s'insurge et menace de renverser le gouvernement. Les interventionnistes, Mussolini et d'Annunzio en tête, manifestent dans tout le pays. Le roi Victor-Emmanuel III, qui est lui-même favorable à l'intervention, confime Salandra à la tête du gouvernement. Celui-ci déclare officiellement la guerre à l'Autriche-Hongrie le 23 mai 1915 (et à l'Allemagne le... 28 août 1916 seulement).
Gabriele d'Annunzio (52 ans) s'engage aussitôt comme capitaine et s'illustre par quelques coups d'éclat. Benito Mussolini (32 ans) s'engage comme bersagliere et ne se montre pas moins courageux. Nommé caporal, il est gravement blessé en février 1917 et, réformé, reprend la direction de son journal.

Aléas de la guerre

Luigi Cadorna (4 septembre 1850, Verbania - 21 décembre 1928, Bordighera)L'entrée en guerre de l'Italie soulage les Russes, qui peinaient en Pologne face aux Autrichiens et aux Allemands. Mais, pas davantage que les autres combattants, les Italiens n'arrivent à emporter la décision.
Le chef d'état-major Luigi Cadorna subit de graves revers au printemps 1917 sur l'Isonzo et le Carso, des cours d'eau alpins, et en octobre 1917, il est mis en échec par les Austro-Hongrois qui, avec le concours des Allemands, percent le front à Caporetto, obligeant les Italiens à reculer sur la Piave et à céder la plus grande partie de la Vénétie. Cette défaite vaut à Cadorna d'être limogé (il sera plus tard réhabilité par Mussolini et le Duce lui confèrera le titre de maréchal).
Son successeur, Armando Diaz, redresse la situation et les 24-28 octobre 1918, remporte la victoire de Vittorio Veneto sur une armée austro-hongroise en pleine décomposition. Le 3 novembre, une semaine avant l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie demande l'armistice.
Après la guerre, insatisfaite par les traités de paix, qui ne lui accordent qu'une modeste partie des territoires qu'elle revendiquait, l'Italie négocie avec la Yougoslavie, à Rapallo, une rectification des nouvelles frontières... Il y en aura beaucoup d'autres.

16 mai 1916

Accord secret Sykes-Picot

En pleine guerre mondiale, le Britannique sir Mark Sykes et le Français François Georges-Picot négocient un accord qui prévoit le démantèlement de l'empire ottoman après la guerre et le partage du monde arabe entre les deux Alliés.
Les Français se réservent le Liban, la Syrie et la région de Mossoul, au nord de la Mésopotamie ; les Britanniques le reste de la Mésopotamie (Irak) et la Transjordanie. La Palestine doit devenir zone internationale et le port d'Alexandrette (Syrie) acquérir le statut de port franc.
Conférence internationale de San Remo (19 au 26 avril 1920)

Les avatars d'un accord mal ficelé

L'accord fait suite à l'entrée en guerre de l'empire ottoman aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie.
Sir Henry McMahon, haut-commissaire britannique au Caire, tente de persuader le chérif Hussein, qui gouverne La Mecque au nom du sultan, de soulever les Arabes contre Istamboul. Mais le chérif réclame, en cas de succès, le pouvoir sur les provinces arabes de l'empire.
L'affaire fait l'objet de discussions à Londres et Paris entre les diplomates sir Mark Sykes et Georges Picot. Un accord est conclu à Londres le 16 mai 1916 par sir Edward Grey, ministre britannique des Affaires étrangères, et Paul Cambon, ambassadeur de France. Il est appelé dans un premier temps « accord Cambon-Grey » (note).
Cet accord initial respecte l'esprit des échanges McMahon-Hussein en préconisant de « détacher les Arabes des Turcs en facilitant la création d'un État arabe ou d'une confédération d'États arabes » sous l'autorité de Hussein et de ses fils, les Hachémites (ainsi les qualifie-t-on en raison de leur filiation avec le prophète Mahomet et son arrière-grand-père Hachem).
Les Arabes n'étant pas en mesure de se prendre immédiatement en charge, il est prévu qu'ils soient conseillés et assistés dans un premier temps par les Français, au Nord, et les Anglais, au Sud.

Contestation et remises en cause de l'accord

Ce projet de partage d'influence a le don d'exaspérer les Arabes et leurs alliés anglais quand il est dévoilé par les bolchéviques à la fin 1917. Du coup, les troupes arabes assistées du « colonel » Thomas Edward Lawrence, dit « Lawrence d'Arabie » poussent jusqu'à Damas et entrent sans coup férir dans la capitale de la Syrie en prenant de court les Français.
Destinée à préparer le premier traité de paix avec la Turquie, la conférence de San Remo, du 19 au 26 avril 1920, confirme et précise l'accord secret de 1916. Elle confie trois « mandats » à Londres sur la Palestine, la Transjordanie et la Mésopotamie (Irak). La France reçoit un mandat sur la Syrie et le Liban.
Ainsi se dessine pour un siècle la carte du Moyen-Orient, avant que les soubresauts actuels du monde arabe ne la réduisent à néant.
Pour aller plus loin : voir CG3 "Redécoupage du Mo après la PGM"
Publié ou mis à jour le : 2016-05-08 10:13:17

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