Les
Kurdes sont un peuple iranien, descendant des Mèdes, qui compterait
environ 40 millions de personnes. Depuis un siècle, certains Kurdes luttent
pour leur autodétermination, afin d'avoir leur propre patrie, le Kurdistan.
Pourquoi les kurdes n'ont-ils toujours pas d'état?
1) Un Kurdistan
est-il envisageable, comme le prétendait le traité de Sèvres en 1920?
Les kurdes sont dispersés principalement sur
4 états : la Syrie, la Turquie, l'Irak et l'Iran, dont la superficie est égale
à celle de la France. Le premier obstacle au Kurdistan est cette éclatement
géographique, la population est divisée. Les disparités entres les populations kurdes proviennent aussi de la façon dont elles sont traitées par les gouvernements des 4 pays :
-En Turquie : Les autorités turques ne reconnaissent pas la domination de "Kurdistan" et parlent plutôt de "région de l'Anatolie du sud-est". On observe une discrimination sévère et permanente : droits différents du reste de la population. Dernièrement des initiatives ont vu le jour pour trouver des solutions d'intégration (tv en kurde, kurde reconnue comme langue dans les écoles).
- Le traitement syrien des Kurdes se caractérise par de la maltraitance, des persécutions et une censure, accompagnée d'une forte minoration de l'identité kurde : l'Etat peut interdire la reconnaissance des enfants sous des noms d'origine kurde, des écoles privées kurdes et des livres écrit en kurde peuvent être interdits.
- L'Iran reconnaît la langue et la culture kurde mais pas autonomie politique, ni administrative et problèmes de religion : les kurdes sont sunnites et les iraniens chiites (2 branches majoritaires de l'islam). Mais la question kurde est une question parmi tant d'autres car l'Iran est un pays pluriethnique.
-En Irak depuis 2003 et plus particulièrement depuis la mort de Saddam Husseim, les kurdes disposent d'une autonomie économique, juridique et même politique, au nord du pays.
De plus,
aucun des 4 états ne souhaitent se séparer d'une partie de leur territoire
national pour créer le Kurdistan. Pour créer un état kurde, il apparait évident
qu'il est nécessaire que les populations kurdes dépassent les frontières et les
disparités qui les séparent, ce qui semble assez compliqué sans une force
politique unie.
2)
Les kurdes sont-ils politiquement organisés?
-Depuis
plus d'un siècle, on observe chez les Kurdes une volonté de s'unir dans des
organisations politiques afin de défendre leurs intérêts communs (territoriaux,
culturels, lutte contre la discrimination …)
-
Cependant cette organisation politique est très relative. Tout d'abord la division du
Kurdistan sur plusieurs états entrainent des disparités qui font qu'il n'existe
pas un mouvement politique kurde unique mais bien des partis nationaux qui
défendent les intérêts kurdes dans leurs états.
Par exemple, la majorité des Turques kurdes ne souhaitent pas leur
indépendance politique mais une reconnaissance
culturelle et la fin des discriminations de la part de
l'état Turque là où les kurdes d'Irak ont obtenu une autonomie politique. De
plus à l'intérieur même des 4 états, les mouvements politiques kurdes sont
divers. On peut citer l'exemple de l'Irak avec le parti emblématique du PDK
(lui-même divisé en une mouvance historique et une mouvance pacifiste) qui est
aujourd'hui remis en cause par le parti UPK, composé de Kurdes qui ne
soutiennent plus le leader du PDK et qui appellent à une action plus importante
et plus armée. L'exemple de la Syrie est aussi pertinent puisque le pays compte
aujourd'hui plus de 17 partis kurdes aux revendications diverses.
-On
observe toutefois une coopération militaire ces derniers mois entre les
différents partis du Kurdistan pour lutter contre l'expansion fulgurante de
l'état islamique, notamment autour de la bataille de Kobané, ville Kurde à la
frontière de la Syrie et de la Turquie. Ainsi l'UPK envoie de nombreux hommes
depuis plusieurs semaines pour éviter que la ville ne tombe aux mains de daesh
qui a répliqué le lundi 12 octobre en faisant exploser un des sièges du parti
en Irak, tuant 25 personnes.
-Le
peuple Kurde s'est donc organisé en partis nationaux mais les différences d'ordre idéologique et
les disparités de situations ne
permettent pas une vie politique organisée au niveau plus global du Kurdistan.
3) Pourquoi
l’Etat islamique s’en prend-il aux kurdes ?
Les
Kurdes, handicapés par leur éclatement géographique et leurs disparités
politiques et culturelles, demeurent conscients que la communauté
internationale est hostile à leur projet indépendantiste par soucis de respecter
les frontières héritées de l’ordre colonial. En témoigne l’échec du PKK qui
avait tenté, durant les années 1980, de faire émerger à nouveau par la lutte
armée, l’idée d’un grand Kurdistan uni. Depuis, la seule expérience qui ait
fait ses preuves est plus modeste : l’exemple irakien. Le Gouvernement régional
du Kurdistan (GRK), présidé par Massoud Barzani, est doté d’une force armée de
190 000 hommes, les peshmergas, les gardes régionaux kurdes. L’armée irakienne
n’est pas autorisée à pénétrer en territoire kurde dont l’autonomie partielle
est reconnue depuis 2005 et les autorités kurdes se passent désormais de
l’accord de Bagdad pour passer des contrats pétroliers avec des compagnies
étrangères. Le GRK est donc une réussite aux yeux de tous les Kurdes, et
l’espoir que ce modèle constitue pour la lutte kurde pour l’indépendance et la
richesse que fournit cette région au peuple kurde fait peur à l’Etat islamique.
En effet, les sous-sols du GRK forment la deuxième réserve de pétrole de
l’Irak. De plus, avec la guerre en Syrie, les Kurdes ont développé une
autonomie à travers des comités locaux semblant représenter une expérience
démocratique assez réussie dans une région où l’autocratie règne depuis un
demi-siècle. Le projet kurde est aux antipodes de celui de l’Etat islamique. Ce
dernier prône une version extrémiste de l’islam et la résurrection du califat,
mode de gouvernance musulman disparu il y a un siècle, contrairement au
principal parti kurde syrien, le PYD, groupe laïc de tendance socialiste, qui
accorde une place importante à la femme y compris au sein de sa branche armée,
les YPG. L’un des commandants kurdes à Kobané est d’ailleurs une femme. L’Etat
islamique cherche à enlever aux Kurdes le contrôle de près de 100 km de
frontière avec la Turquie, alors qu’il en tient dejà une large partie au nord
d’Alep. La chute de Kobané ouvrirait la voie à une offensive contre la ville
d’Hassaké, frontalière de la partie est de la Syrie sous contrôle kurde, zone
riche en pétrole, verrou stratégique entre les territoires controlés par l’EI
en Irak et en Syrie. Cette jonction faciliterait l’entrée en Syrie de
djihadistes étrangers arrivés par les aéroports turcs et le trafic de pétrole.
Enfin, Kobané abrite le QG du « gouvernement provisoire » des Kurdes de Syrie.
L’EI cible les Kurdes et les disparités religieuses sont en effet des facteurs
qui jouent dans ce phénomène. Le yézidisme est un courant religieux kurde
considéré par exemple par l’EI comme prônant l’adoration de Satan et ses
fidèles sont persécutés. Selon les analystes, en plus d’être motivé par les
contradictions religieuses, la montée en puissance de l’unification kurde et
leur richesse en pétrole, l’attaque des Kurdes par l’EI ferait aussi l’affaire
de la Turquie voisine. Pour Cyril Roussel, docteur en géographie, il est
possible que la perte de Kobané ressemble à l’anéantissement du projet kurde
avec la complicité d’Ankara. Le conflit kurde avait en effet dejà fait 40 000
morts depuis 1984 en Turquie. Le président du pays déclare même de façon claire
: « Pour nous le PKK est la même chose que l’EIIL ».
Pour conclure, 3
raisons principales expliquent aujourd'hui l'absence d'un état kurde :
-Des frontières et des disparités qui
séparent la population kurde et qui semblent très durs à dépasser
-l'absence de coopération et de ligne
commune sur le plan politique entres les partis kurdes des différents pays
-la volonté de l'EIIL de créer un califat
sur le territoire kurde.
Depuis plus de20 jours, Kobane représente un enjeu majeur à la
fois pour la question de l'union du peuple kurde et pour la lutte contre l'état
islamique. La prise de la ville par les djihadistes pourrait donc représenter
un tournant historique pour le Kurdistan.
Sources :
-Dossier "Géopolitique actuelle des
Kurdes en Turquie, en Irak et en Iran" http://echogeo.revues.org/2380
-Article du HuffPost avec AFP|par Maxime Bourdier du 11/08/2014 " Irak: pourquoi les combattants kurdes sont devenus indispensables face à l'Etat islamique" http://www.huffingtonpost.fr/2014/08/11/irak-combattants-kurdes-etat-islamique_n_5667905.html
-Article
de LEXPRESS.fr, publié le 12/10/2014 " Irak: une triple attaque suicide de
Daesh fait 25 morts" http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/irak-une-triple-attaque-suicide-de-l-ei-fait-25-morts_1610641.html
-Document vidéo : Le Dessous des cartes "Kurdistan, un nouvel état au
Moyent-Orient" en avril 2013
Auteurs de la colle : JACQUIER Clara, CHAVAUX Nicolas et AUGE-VISA Valentine.
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