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Toulouse.
Auteur : Serge BOYER. Professeur agrégé d'histoire-géographie. Au lycée Ozenne dep 2002, j'ai eu des activités de formation à l'IUFM et participé à des manuels et rédigé des articles dans la revue "Espace Prépas". Enseigne en CPGE depuis 2009. Auteur principal du nouveau manuel "réussir sa prépa" sorti en 2017 chez Studyrama et réactualisé pour le nouveau programme (sortie juin 2021). Jurys : CAPES, ECRICOME, TBS, GEM. Chargé de cours à TSE sur l'histoire des faits économiques et de TD de géopolitique à l'Université Jean Jaurès. Mail : sergeboyer@netcourrier.com

lundi 8 avril 2013

MORT DE THATCHER


Margaret Thatcher (1925 - 2013)

La Dame de fer


François Mitterrand a dit d'elle qu'elle avait «la bouche de Marilyn et le regard de Caligula».
Adulée et regrettée par beaucoup de Britanniques à qui elle a rendu un sentiment de fierté nationale, détestée et vilipendée par tous ceux qui voient en elle l'incarnation du libéralisme et de ses dérives, Margaret Thatcher, Premier ministre conservateur (tory) de 1979 à 1990, fait sans aucun doute partie des personnages les plus importants et les plus controversés de la fin du XXe siècle.
Yves Chenal

Une figure à part dans la politique britannique

Née en 1925, à Grantham, modeste bourgade anglaise, Margaret Roberts est la fille d'un épicier qu'elle assiste régulièrement dans sa boutique. Grâce à une bourse, elle suit des études de chimie à l'université d'Oxford où elle est élue présidente de l'association des étudiants conservateurs. Par la suite, elle rejoint le parti conservateur, reprend des études juridiques, trouve le temps de se marier à Dennis Thatcher et d'avoir deux enfants, des jumeaux : Mark et Carol.
En 1959, elle est élue à la Chambre des Communes puis progresse régulièrement dans la hiérarchie du parti conservateur, devenant ministre de l'éducation en 1970. Son origine populaire tranche avec celle de la plupart des dirigeants conservateurs et lui vaut nombre de quolibets, mais s'avérera par la suite un atout pour faire adopter certaines mesures.
À la tête du parti conservateur
Insistant sur la nécessaire réduction de la pression fiscale et la chasse aux dépenses inutiles, Margaret Thatcher ne s'inscrit pourtant pas dans la tradition conservatrice. Ainsi, en matière de moeurs, elle vote la décriminalisation de l'homosexualité et la légalisation de l'avortement contre la grande majorité de son parti. En 1975, à la surprise générale, elle parvient à prendre la tête du parti conservateur à la place d'Edward Heath : c'est la première femme à occuper ce poste.
Elle donne aux tories - conservateurs - une nouvelle identité et un nouveau programme. Jusque-là, en effet, les conservateurs n'avaient pas réussi à proposer d'alternative à l'État-providence, ni même réellement essayé.
Pour Margaret Thatcher, adepte de la doctrine néolibérale et monétariste de Friedrich Hayek et Milton Friedman, il faut limiter la masse monétaire en circulation pour lutter contre l'inflation qui ronge l'économie. Il convient également de redonner à la population le sens de l'effort et de la réussite individuelle, en réduisant le rôle des syndicats et de l'État. À ses détracteurs, elle assène un cinglant : «There is no alternative» (résumé par l'anagramme TINA ; Il n'y a pas d'autre choix).
En matière de politique étrangère, l'URSS est le grand ennemi qu'elle dénonce à longueur de discours, ce qui lui vaut de la part des journalistes soviétiques le surnom de «Dame de fer».

Un Premier ministre inflexible

L'hiver 1978-1979 voit une nouvelle flambée de grèves et une montée de la contestation, le «winter of discontent», expression tirée du Richard III de Shakespeare.
Soutenus par une campagne de publicité inspirée des pratiques américaines, les conservateurs remportent la victoire aux législatives et Margaret Thatcher devient ainsi le 4 mai 1979 la première femme Premier ministre du Royaume-Uni. Elle gardera le pouvoir pendant plus de 11 ans, jusqu'au 28 novembre 1990.
Elle met en oeuvre une politique de lutte contre les syndicats et de privatisation des entreprises publiques, mais son premier mandat est difficile. Les résultats se font attendre et le mécontentement demeure élevé.
Elle doit au surplus affronter un regain d'agitation en Irlande du Nord. Des membres de l'IRA (Armée Républicaine Irlandaise), emprisonnés pour avoir commis des attentats meurtriers, réclament un statut de prisonnier politique. Margaret Thatcher, qui les considère comme des criminels, ni plus ni moins, le leur refuse. Le 5 mai 1981, leur chef Bobby Sands meurt après 65 jours de jeûne volontaire, comme après lui 9 autres prisonniers. L'émotion est immense dans les îles britanniques et dans le monde.
Le tournant intervient au printemps 1982 : l'attaque argentine contre les Malouines lui fournit l'occasion de refaire l'unité nationale et de rendre ainsi à son pays une grandeur qu'il avait perdue. En 1983, elle est triomphalement réélue et peut donner un nouvel élan à sa politique. En octobre 1984, une bombe posée par l'IRA explose dans l'hôtel de Brighton où les conservateurs tiennent leur conférence, tuant cinq personnes mais manquant Margaret Thatcher et son mari Dennis. Elle prononce le lendemain un discours empreint d'une grande fermeté qui lui vaut une admiration générale.
Elle utilise notamment cette popularité lors de la grande grève des mineurs de 1984-85 : le gouvernement souhaite fermer nombre de mines, car cette industrie est publique, non rentables. Les mineurs entament une longue et dure grève mais les autorités ne cèdent pas et ne reculent pas devant la violence. Les syndicats, vaincus, sortent durablement affaiblis et les projets gouvernementaux sont acceptés.
Plus généralement, le coût du travail diminue, la productivité s'accroît, mais aussi la précarité. Du reste, l'industrie britannique poursuit son déclin et si l'économie reprend des couleurs, c'est à la City de Londres et à la finance qu'elle le doit pour l'essentiel.
Absolument convaincue du bien-fondé des thèses qu'on appelle aujourd'hui «néolibérales», Margaret Thatcher va jusqu'à confier à l'épargne privée le financement du tunnel sous la Manche. Il en résultera un fiasco boursier qui ruinera les petits épargnants mais fera les choux gras des banques, lesquelles rafleront les actions à vil prix. Il semblerait toutefois que la  «Dame de Fer» considérait la privatisation des chemins de fer comme la privatisation de trop ; c'est son successeur qui la mena à bien.
Margaret Thatcher et Ronald Reagan (DR)À l'étranger, Margaret Thatcher suscite des réactions ambiguës : très proche de Ronald Reagan, avec lequel elle partage un anticommunisme viscéral, elle est moins appréciée en Europe où elle se bat pour obtenir que la Grande-Bretagne récupère une partie de l'argent versé au budget de la Commission Européenne («I want my money back» est l'une des expressions qu'on lui prête).
En novembre 1990, affaiblie par le projet de création d'un impôt extrêmement impopulaire, la «poll tax», elle est contrainte à la démission par sa propre majorité parlementaire et laisse la place à John Major.
Ce dernier ne parvient cependant pas à s'installer durablement. Il est très largement battu en 1997 par le «New Labour» de Tony Blair.
Quant à Margaret Thatcher, elle se signale à l'opinion publique en accueillant ostensiblement l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, sous le coup de poursuites judiciaires par le juge espagnol Garzon, et en négociant grassement ses services à l'industrie du tabac. Ses dernières années sont assombries par la maladie d'Alzheimer (un point commun avec son ancien partenaire Ronald Reagan).
Source : lettre hebdomadaire du site d'histoire HERODOTE.NET, le 8 avril 2013

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