Qui êtes-vous ?

Toulouse.
Auteur : Serge BOYER. Professeur agrégé d'histoire-géographie. Au lycée Ozenne dep 2002, j'ai eu des activités de formation à l'IUFM et participé à des manuels et rédigé des articles dans la revue "Espace Prépas". Enseigne en CPGE depuis 2009. Auteur principal du nouveau manuel "réussir sa prépa" sorti en 2017 chez Studyrama et réactualisé pour le nouveau programme (sortie juin 2021). Jurys : CAPES, ECRICOME, TBS, GEM. Chargé de cours à TSE sur l'histoire des faits économiques et de TD de géopolitique à l'Université Jean Jaurès. Mail : sergeboyer@netcourrier.com

mardi 20 avril 2021

La rentabilité des capitaux à15% : un mythe français (source : GEM)

 La rentabilité des capitaux propres à 15 % : un mythe financier français ?

PUBLIÉ LE 

13 AVRIL 2021

Dans un article de recherche, paru dans la revue Finance Contrôle Stratégie, Christophe Bonnet et Michel Albouy, enseignants-chercheurs en finance à Grenoble Ecole de Management, démontrent que la supposée exigence de 15 % de rentabilité par les actionnaires n’existe pas. Les chercheurs mettent en évidence la façon dont cette croyance s’est diffusée en France, depuis les années 1990, sous l’influence de leaders d’opinion et de médias de référence. Focus.

Quelle définition, simple, donnez-vous à la rentabilité des capitaux propres (Return On Equity – ROE) ?

Le ROE est le ratio d'efficience d'une entreprise, vu du point de vue de l'actionnaire. C'est un ratio fondamental pour un investisseur. A savoir, quels sont les bénéfices attendus par l'actionnaire au regard de son investissement financier.

Il existe plusieurs façons de mesurer la rentabilité pour l'actionnaire. D'un point de vue strictement comptable, le ROE correspond au résultat net divisé par les capitaux propres. La rentabilité d'un investissement en actions peut également être évaluée sur la base du prix d'achat d'une action, puis de sa revente, en prenant en compte, éventuellement, les dividendes reçus entre temps. Enfin, on parle de rentabilité « espérée » pour désigner la rentabilité attendue par un actionnaire lorsqu'il évalue un investissement. Mais, dans aucun de ces cas, comme nous le montrons dans notre article, les observations empiriques sur une longue période ne permettent de confirmer l'existence d'une norme de 15 % de rentabilité. Ce n'est pas surprenant car, en finance, la rentabilité dépend du niveau de risque.

Si vous investissez dans des projets à risque très faible, vous pouvez vous contenter d'une rentabilité peu élevée. Mais si vous investissez, par exemple, dans des startups dont 50 % échouent, un calcul simple montre que les succès doivent vous rapporter plus que deux fois la mise, sinon votre activité ne peut pas être pérenne !  

Le ROE est le ratio d'efficience d'une entreprise, vu du point de vue de l'actionnaire. C'est un ratio fondamental pour un investisseur. A savoir, quels sont les bénéfices attendus par l'actionnaire au regard de son investissement financier.

La norme de 15 % de rentabilité n'existe pas, dites-vous. D'après votre analyse, « l'existence d'une telle norme est réfutée par l'ensemble des données empiriques disponibles. Ainsi, sur la période 1980-2016, seules 37 % des entreprises françaises et 52 % des entreprises américaines ont un ROE supérieur à 15 %. » Pourquoi avoir choisi d'éclaircir le propos ?

Nous étions surpris du succès de cette idée reçue, très présente dans les médias français et les discours des observateurs, y compris de certains académiques. Un objectif fixe et universel de rentabilité ne fait aucun sens pour les chercheurs en finance, ni pour les professionnels. Notre idée consistait donc à réfuter ce mythe des 15 %. On peut remarquer que cette fausse croyance n'a pas été relayée par les grands médias économiques anglo-américains alors qu'elle est apparue et perdure en France, même si elle y est moins prégnante que dans les années 1990-2000. Elle est devenue, au fil du temps, une sorte de (fausse) évidence, qu'il est de bon ton de mentionner pour critiquer les actionnaires, qui seraient tous, par nature, avides et court-termistes !

Dans un article, paru dans The Conversation, vous pointez notamment le faible niveau de culture économique et financière des Français, et l'influence de l'enseignement des sciences économiques dans l'hexagone. Quelle est cette spécificité française ?

La question est de comprendre pourquoi cette croyance s'est diffusée en France. Nous proposons effectivement deux hypothèses. Tout d'abord, de nombreuses enquêtes internationales, dont les enquêtes PISA, relèvent le faible niveau de culture économique et financière des français, et notamment une méconnaissance des notions de rentabilité et de risque. A ce sujet, il est tout de même préoccupant de constater que cette croyance a été relayée, à l'époque, par les principaux médias économiques de référence ainsi que par certains grands patrons, sans faire l'objet d'une véritable analyse critique, comme nous le montrons dans notre article !  

Comme l'ont montré plusieurs rapports et observateurs, les programmes de sciences économiques au lycée souffrent de certaines lacunes : approche principalement macro-économique, faible intérêt pour l'entreprise et ses contraintes, tendance à insister sur les seuls côtés négatifs, « oubli » du risque qui est pourtant propre à tout activité économique.

Notre deuxième explication tient à l'hostilité, en France, vis-à-vis de l'économie de marché, qui est beaucoup plus forte que dans d'autres pays, comme le confirment de nombreuses études internationales. Notre propos n'est pas, bien évidemment, de dire que les entreprises et les actionnaires ne doivent pas être critiqués ! Mais dans une époque propice à la méfiance généralisée et aux fausses croyances, il nous semble utile de contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes de la finance d'entreprise. Et aussi de tracer une ligne plus claire entre les faits et ce qui relève des opinions – y compris dans la critique du capitalisme !

La rentabilité des capitaux propres à 15 % : un mythe financier français ?


PUBLIÉ LE 
13 AVRIL 2021

Dans un article de recherche, paru dans la revue Finance Contrôle Stratégie, Christophe Bonnet et Michel Albouy, enseignants-chercheurs en finance à Grenoble Ecole de Management, démontrent que la supposée exigence de 15 % de rentabilité par les actionnaires n’existe pas. Les chercheurs mettent en évidence la façon dont cette croyance s’est diffusée en France, depuis les années 1990, sous l’influence de leaders d’opinion et de médias de référence. Focus.

Quelle définition, simple, donnez-vous à la rentabilité des capitaux propres (Return On Equity – ROE) ?

Le ROE est le ratio d'efficience d'une entreprise, vu du point de vue de l'actionnaire. C'est un ratio fondamental pour un investisseur. A savoir, quels sont les bénéfices attendus par l'actionnaire au regard de son investissement financier.

Il existe plusieurs façons de mesurer la rentabilité pour l'actionnaire. D'un point de vue strictement comptable, le ROE correspond au résultat net divisé par les capitaux propres. La rentabilité d'un investissement en actions peut également être évaluée sur la base du prix d'achat d'une action, puis de sa revente, en prenant en compte, éventuellement, les dividendes reçus entre temps. Enfin, on parle de rentabilité « espérée » pour désigner la rentabilité attendue par un actionnaire lorsqu'il évalue un investissement. Mais, dans aucun de ces cas, comme nous le montrons dans notre article, les observations empiriques sur une longue période ne permettent de confirmer l'existence d'une norme de 15 % de rentabilité. Ce n'est pas surprenant car, en finance, la rentabilité dépend du niveau de risque.

Si vous investissez dans des projets à risque très faible, vous pouvez vous contenter d'une rentabilité peu élevée. Mais si vous investissez, par exemple, dans des startups dont 50 % échouent, un calcul simple montre que les succès doivent vous rapporter plus que deux fois la mise, sinon votre activité ne peut pas être pérenne !  

Le ROE est le ratio d'efficience d'une entreprise, vu du point de vue de l'actionnaire. C'est un ratio fondamental pour un investisseur. A savoir, quels sont les bénéfices attendus par l'actionnaire au regard de son investissement financier.

La norme de 15 % de rentabilité n'existe pas, dites-vous. D'après votre analyse, « l'existence d'une telle norme est réfutée par l'ensemble des données empiriques disponibles. Ainsi, sur la période 1980-2016, seules 37 % des entreprises françaises et 52 % des entreprises américaines ont un ROE supérieur à 15 %. » Pourquoi avoir choisi d'éclaircir le propos ?

Nous étions surpris du succès de cette idée reçue, très présente dans les médias français et les discours des observateurs, y compris de certains académiques. Un objectif fixe et universel de rentabilité ne fait aucun sens pour les chercheurs en finance, ni pour les professionnels. Notre idée consistait donc à réfuter ce mythe des 15 %. On peut remarquer que cette fausse croyance n'a pas été relayée par les grands médias économiques anglo-américains alors qu'elle est apparue et perdure en France, même si elle y est moins prégnante que dans les années 1990-2000. Elle est devenue, au fil du temps, une sorte de (fausse) évidence, qu'il est de bon ton de mentionner pour critiquer les actionnaires, qui seraient tous, par nature, avides et court-termistes !

Dans un article, paru dans The Conversation, vous pointez notamment le faible niveau de culture économique et financière des Français, et l'influence de l'enseignement des sciences économiques dans l'hexagone. Quelle est cette spécificité française ?

La question est de comprendre pourquoi cette croyance s'est diffusée en France. Nous proposons effectivement deux hypothèses. Tout d'abord, de nombreuses enquêtes internationales, dont les enquêtes PISA, relèvent le faible niveau de culture économique et financière des français, et notamment une méconnaissance des notions de rentabilité et de risque. A ce sujet, il est tout de même préoccupant de constater que cette croyance a été relayée, à l'époque, par les principaux médias économiques de référence ainsi que par certains grands patrons, sans faire l'objet d'une véritable analyse critique, comme nous le montrons dans notre article !  

Comme l'ont montré plusieurs rapports et observateurs, les programmes de sciences économiques au lycée souffrent de certaines lacunes : approche principalement macro-économique, faible intérêt pour l'entreprise et ses contraintes, tendance à insister sur les seuls côtés négatifs, « oubli » du risque qui est pourtant propre à tout activité économique.

Notre deuxième explication tient à l'hostilité, en France, vis-à-vis de l'économie de marché, qui est beaucoup plus forte que dans d'autres pays, comme le confirment de nombreuses études internationales. Notre propos n'est pas, bien évidemment, de dire que les entreprises et les actionnaires ne doivent pas être critiqués ! Mais dans une époque propice à la méfiance généralisée et aux fausses croyances, il nous semble utile de contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes de la finance d'entreprise. Et aussi de tracer une ligne plus claire entre les faits et ce qui relève des opinions – y compris dans la critique du capitalisme !

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